En mai 1962, la série revient pourtant sur les ondes, mais Ian Hendry, qui a répondu aux chants des sirènes du cinéma, n'est plus de la partie. Il est remplacé provisoirement pour trois épisodes par le Dr King, interprété par Jon Rollason. Personne n'est dupe, il s'agit juste de recycler les scripts déjà écrits pour Ian Hendry ! Le personnage de Steed a une promotion, et se retrouve nommé tête d'affiche de la série, à la plus grande joie de Macnee, joie vite retombée, aucune augmentation de salaire significative ne lui étant accordée ! C'est le début pour Macnee d'une lutte acharnée contre les costumes–cravates hantant les coulisses, une lutte qui ne s'arrêtera pas avant l'annulation de la série. En attendant, Sidney Newman n'arrive pas à trouver de remplaçant adéquat au docteur. Il commence à désespérer, lorsqu'il visionne à la télévision un reportage incroyable. Une femme vivant au Kenya, est rentrée un jour chez elle pour découvrir son mari décapité, deux de ses enfants morts, et trois hommes armés de machettes bien décidés à la tuer. Imperturbable, elle les a descendus tous les trois au revolver ! Cette même dame donne des interviews aux reporters, son bébé survivant accroché au dos, et son arme à la main. Pour Sidney Newman, c'est l'évidence même. Si aucun acteur ne peut marcher sur les traces de Ian Hendry, pourquoi ne pas prendre… une actrice, dont le personnage serait un croisement entre celui qu'il vient de voir sur la lucarne noir et blanc, et celui de Ian Hendry ? Sidney Newman ordonne à Leonard White d'organiser des séances de casting, et part en vacances, avec une directive : «prendre n'importe qui d'autre qu'Honor Blackman», une actrice ayant surtout joué des personnages à l'eau de rose. À son retour, évidemment, Sidney Newman découvre que Leonard White a signé… Honor Blackman ! Et a sa grande surprise, la relation de l'actrice avec Patrick Macnee fonctionne du tonnerre à l'écran. Honor Blackman devient donc la première Avengers lady, Cathy Gale, une anthropologue, experte en a peu près tout, contrairement à John Steed ! Ce dernier passe son temps à essayer de s'attirer ses faveurs, sans y parvenir, pour la plus grande joie des téléspectateurs. Cathy partage avec lui quelques aventures très prometteuses, croisant des adeptes de la magie noire, des ordinateurs tueurs, et des criminels excentriques. Steed alterne ses enquêtes avec une autre partenaire féminine, Venus Smith (Julie Stevens), chanteuse de night–club que le retors agent–secret entraîne dans les machinations les plus sinistres. Au bout de six épisodes, cette dernière disparaît définitivement, Cathy ou Mrs Gale comme l'appelle Steed, remporte en effet les faveurs du public… Avec Honor Blackman, la série prend réellement son essor. Outre une constance dans l'originalité des scénarios, un héritage de la saison Hendry, l'aspect sexuel sous–entendu dans la relation entre les deux personnages passionne les téléspectateurs, d'autant plus que Cathy Gale, qui se bat comme un homme, porte désormais des combinaisons de cuir ! On a beaucoup glosé sur le fétichisme dans The Avengers, sans réaliser qu'il s'agit en fait d'une décision pratique suggérée par Macnee, l'actrice déchirant souvent ses vêtements lors des combats dans les premiers épisodes. L'un d'eux montre même par accident un gros plan sur la petite culotte blanche de Cathy Gale, son pantalon s'étant fendu à la raie des fesses ! Pour le public, il n'en suffit pourtant pas plus pour déclencher les passions les plus folles. Macnee et Blackman commencent à recevoir de nombreuses lettres de fétichistes et sado–masochistes. Macnee se retrouve même invité par accident à une soirée spéciale, dont il s'éclipse furtivement ! Heureusement, outre les obsédés, les Avengers attirent l'attention des étudiants de cinéma par leur forme visuelle inhabituelle. En l'absence de budget pour créer des décors, ABC considérant cette série d'un œil très méprisant, les réalisateurs composent en filmant en gros plan à travers des serrures, chandeliers, verres, plantes occupant le champ de la caméra ! Intrigué par ce style et ce contenu innovateur pour la télévision de l'époque, le public s'interroge. Cette série programmée le samedi à 22 heures, est–elle une comédie ? Un thriller ? De la parodie ?
Le couple rempile pour une deuxième saison en 1963–1964, avec un plus gros budget, et de meilleures histoires, mais toujours en vidéo et en noir et blanc. Brian Clemens, l'auteur du deuxième épisode, réapparaît, et devient vite un atout non–négligeable pour les producteurs. Il écrit les meilleurs épisodes de la saison, dont celui d'ouverture, Brief for murder, dans lequel Steed se fâche avec Cathy Gale, puis la tue, en oubliant son chapeau melon sur les lieux du crime. Steed passe en jugement, et c'est l'occasion d'en découvrir un peu plus sur le passé du personnage. La séquence ou l'avocat de l'accusation le force à se coiffer du melon – pièce à conviction qui se révèle trop grand, et lui tombe sur les yeux – est un sommets télévisé ! Dans l'épisode Don't look behind you, Clemens attribue à Steed son premier véhicule vintage, une Buggati de la belle époque. Le mythe Avengers continue à se bâtir, avec des scénarios de plus en plus fous. The undertakers met en scène, par exemple, des tueurs habillés en croque–morts transportant un cercueil vide. Ils assassinent un homme, et l'embarquent dans le cercueil, destination sa dernière demeure ! Built a better mousetrap montre deux inoffensives vieilles dames qui brouillent tous les radars du Royaume–Uni en construisant un piège à souris ! Lavages de cerveaux, histoires de doubles, guerre froide, bal costumés meurtriers sont aussi au programme. The Avengers est désormais une série–vedette en Angleterre, mais Honor Blackman commence à en avoir assez de rentrer chez elle couverte de bleus chaque soir, et quitte la série pour tenter une carrière au cinéma, en commençant par séduire Sean Connery dans Goldfinger. Elle quitte Steed au terme du 78eme épisode, signé Brian Clemens sous le pseudonyme de Richard Lucas. L'agent sophistiqué et suave, loin de se laisser abattre, appelle une autre partenaire à la rescousse par téléphone au cours de l'épilogue. Le public devra attendre près d'un an avant de découvrir son identité.
David Fakrikian |